Pêcher le barbe, caresser les mognoles, dresser les pijaunes, s’occuper du grand gori, conduire la bibinette, extraire le ploiron, tisser le bleu iribé… Autant de métiers qui font rêver, autant d’activités essentielles à la vie, autant de tâches guidées par la fantaisie. Vraiment ? La réalité est pourtant moins poétique et derrière ces mots qui titillent l’imaginaire se cache l’âpreté du travail dans ce qu’il a de plus brutal. De plus injuste aussi. Car il faut être pauvre pour accepter ces besognes répétitives et lointaines, qui entretiennent la survie des plus précaires en offrant aux plus privilégiés le confort qu’ils estiment avoir mérité. Ce que chacun ignore, c’est que dans le cœur d’une mine ancienne coule une rivière fantastique, qui alimente la terre tout en menaçant de la submerger…
En dix histoires qui sont autant de voyages, Delphine Panique nous invite à parcourir un univers inconnu dont les coutumes et les mécanismes, pour aussi farfelus qu’ils soient, finissent toujours par rappeler les engrenages qui font tourner notre propre monde, broyant les petites mains qui le font tourner. Flippa, Plopine ou Raoula ont chacune leur histoire. Mais ce qui les unit, c’est ce travail saisonnier, qui les éloigne de leur foyer et de leur famille le temps d’un hiver ou d’un été. Sans repères, sans considération, sans défense, elles sont les invisibles que personne ne veut voir et dont le destin indiffère. Mais une pulsion de vie les guide que rien ne parvient à détruire. De cette énergie naît la fierté, l’affection, la solidarité , parfois la révolte.
Avec des moyens volontairement modestes, Delphine Panique rend tangible les souffrances et les joies les plus complexes, les émotions les plus ténues. Fuyant la démonstration et la lourdeur, elle dresse le tableau poignant de femmes déconsidérées, dont l’humanité reste vivante, toujours vivante, obstinément vivante.