Le Japon connut à la fin des années 1960 une période particulièrement troublée de son histoire. Faisant écho aux mouvements contestataires qui secouaient le monde occidental, le soulèvement de la jeunesse, exacerbé par une idéologie dominante réactionnaire, y prit parfois des formes plus radicales que ce qu’on pouvait observer ailleurs. Les attentes et la frustration de cette génération étaient immenses et le foisonnement artistique qui l’accompagna fût prodigieux. Mais la répression féroce que le pouvoir opposa à ce mouvement brisa les promesses et l’énergie qu’il dessinait, plongeant le pays dans la résignation.
Dans ce Japon post-1968, Ichiro et Sachiko, les deux héros d’Élégie en rouge, rêvent d’une vie meilleure, sans être pour autant des révolutionnaires. Leurs jours s’écoulent à flâner, boire, fumer et faire l’amour. Tandis que Shihiro tente de vivre de ses bandes dessinées, Sachiko doit résister au mariage que ses parents tentent d’arranger pour elle. L’urgence, c’est de ne pas penser à l’avenir. Mais, même affranchis des normes sociales qui ont emprisonnées leurs parents, Ichiro et Sachiko peinent à exprimer leurs désirs et, frustrés, finissent par se lancer des reproches sans fondements, communiquant mieux par les corps que par les mots.
En décrivant la vie quotidienne d’un couple vivant en union libre, chose peu courante dans le Japon des années 1970, Hayashi parvient à traduire les sentiments d’une manière à la fois métaphorique et précises, leur donnant une justesse et une intensité qui restent intactes plus de trente ans après.
Les audaces stylistiques, la crudité du propos et la modernité des caractères ont fait d’Élégie en rouge un classique indémodable, régulièrement réédité ou adapté au Japon. Nous en offrons ici la première traduction française, imprimée en bichromie et réalisée à partir des originaux, ce qui constitue une première mondiale.