Au début des années 1960, Yoshiharu Tsuge entame sa collaboration avec la mythique revue Garo, qui donne aux auteurs la possibilité d’expérimenter de nouvelles approches dans un contexte éditorial peu enclin à l’ouverture. Tsuge trouve dans cet endroit la possibilité de se révéler et développe des bandes dessinées d’un genre nouveau, où autobiographie et fiction s’entremêlent pour faire surgir une forme d’authenticité inédite – cette approche avant-gardiste sera appelée watakushi manga, la bande dessinée du moi, et inspirera toute une génération.
Ce volume s’intéresse aux années charnières de Yoshiharu Tsuge. Les douze histoires qui composent Les fleurs rouges témoignent de l’assurance que cet auteur de trente ans est en train d’acquérir et préfigurent l’évolution qui va suivre, à partir de juin 1968, avec la publication de la fameuse nouvelle Neji shiki dans un numéro spécial que Garo consacre à cet auteur aux portes de la notoriété (voir le volume de l’anthologie intitulé La vis, 1968-1972).
Le style de Tsuge est déjà très affirmé et les histoires présentées dans ce volume sont emblématiques du degré de sophistication mis au point par l’auteur pour témoigner de la profondeur des sentiments humains. On le voit étendre son périmètre et affiner une narration construite sur l’implicite et l’étrangeté des points de vue. Yoshiharu Tsuge ferme ici la porte aux héros pour laisser toute sa place à l’indicible. Il fonde une dramaturgie en rupture avec les codes de l’époque et, poursuivant sa quête d’authenticité, il impressionne ses pairs dans une émulation qui va faire de lui la référence incontournable de sa génération.