Dissimulé derrière les bandelettes qui ont fait de lui une momie, Emet s’anime peu à peu. Ses mains agrippent lentement les lambeaux de tissus autour de son visage, libérant progressivement sa vision. Sur la table devant lui, il découvre un miroir, dans lequel se reflète l’image de quelqu’un qu’il ne connaît pas. Au même instant, dans une des salles de l’hôpital où elle exerce, le Professeur Lœw apprend son licenciement et quitte son laboratoire sans un dernier regard.
Au croisement de Mary Shelley et Gustav Meyrink, Tes yeux ont vu s’inspire de la figure du Golem pour mieux interroger la fugacité des choses. Fini le savant fou à l’ego surdimensionné qui rit comme un damné en levant les mains au ciel. Fini aussi l’image de la créature brutale au front bas qui ne sait pas articuler deux mots. Ici, la relation complexe qui unit les deux personnages réveille notre rapport à l’autre en appréhendant des sentiments profonds de réciprocité, de dépendance et de solitude.
Dans cette lutte pour l’apprentissage de tous les instants, où l’obsolescence du corps semble irrémédiable, la science suscite de nouvelles questions sans en fournir les solutions. La réponse est peut être là, entrelacée dans une succession de cases, cachée entre les lignes du dessin, au carrefour d’une histoire qui nous rappelle que rien n’est éternel.