Avec Wilson, Clowes revisite sa thématique fétiche, à savoir la médiocrité humaine, la portant à un nouveau degré d’excellence. Une série d’histoires d’une planche retrace les efforts de Wilson pour reprendre sa vie en main avant de replonger dans sa déprime quotidienne. Tel Sisyphe poussant son rocher, notre héros sue sang et eau pour remonter la pente avant de se casser le nez et de s’en retourner à la case départ.
Abordant des inconnus au café, dans la rue, dans le bus, s’incrustant en famille ou chez ses accointances, Wilson essaie désespérément de renouer le contact avec ses contemporains. Après la mort de son père, irrévocablement seul, il se lance à la reconquête de son ex-femme, Pippi, dans l’espoir de raviver la flamme de cette relation éteinte depuis bien longtemps. Ce faisant, il découvre sa fille Claire, née peu après leur séparation et placée dans une famille adoptive. Prêt à tout pour reconstruire une famille, Wilson se donne pour mission de les réunir tous les trois, un projet encore voué à l’échec et qui ne manquera pas de se retourner contre lui.
Clowes utilise une variété de styles pour dessiner son personnage, mais que celui-ci apparaisse sous des traits parfaitement réalistes ou sous la forme d’un cousin éloigné d’Andy Capp, il reste définitivement un loser. Avec cet ouvrage, Clowes nous offre une tranche de pessimisme brillamment découpée et magnifiquement dessinée. À l’heure où les bons sentiments sont légions, il fait bon de lire ce chef-d’oeuvre remarquable de misanthropie.